Éclusier
Interview

« Si un navire s’approche, il faut surtout être capable d’estimer quand il sera au pont ou à l’écluse. Si on agit trop tôt, on retarde trop longtemps le trafic qui doit passer sous le pont ou dans l’écluse. Agir trop tard n’est évidemment pas une option. » 

Cliff Pizarro (29) est déjà pontier et éclusier depuis six ans. Il travaille principalement à Neder-Over-Heembeek, où il veille à ce que le pont de Buda soit relevé quand des navires entrent et sortent de Bruxelles. Il lui arrive aussi de travailler aux écluses d’Anderlecht et de Molenbeek, ainsi qu’au pont des Hospices.

 

« Il faut savoir écouter un pont »

Cliff représente la seconde génération de Pizarro qui exerce ce métier. Son père l’a précédé sur cette voie. Aujourd’hui, ils sont même, collègues. « Je savais déjà ce que le métier impliquait avec ce que j’avais entendu à la maison, mais mon intérêt n’a été vraiment piqué que lorsque j’ai eu un job d’étudiant aux ponts et aux écluses. »

Cliff n’a pourtant pas démarré sa carrière de pontier/éclusier dès sa sortie de l’école. Il a d’abord été engagé au service client d’un casino en ligne. « Mais lorsqu’un examen a été organisé pour recruter un assistant éclusier au port, je me suis inscrit. Je l’ai réussi et j’ai pu démarrer ma carrière. »

Cliff ne regrette pas son choix. En tant que Vilvordois de naissance, il se sent chez lui au pont de Buda et au canal, même s’il habite actuellement dans la région de Zottegem.

« C’est un job où on bénéficie d’une grande autonomie. On attend de nous que nous fassions notre travail, bien sûr, mais nous décidons nous-mêmes de quelle façon. Nous sommes le premier point de contact des navires qui viennent décharger et charger à Bruxelles. Nous nous assurons qu’ils puissent s’amarrer avec rapidité et en toute sécurité. Parfois, on fait aussi appel à nous en cas de problème, par exemple lorsqu’une amarre se rompt parce qu’il y a trop de houle lors du passage trop rapide d’un autre navire. Nous devons alors agir et informer la capitainerie. »

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« Nous sommes le premier point de contact des navires qui viennent décharger et charger à bruxelles. » 

Le bruit du pont

« C’est aussi un travail où on peut apprendre plein de choses », dit Cliff Pizarro. Sur les ouvrages d’art que nous devons gérer par exemple. « On apprend ce à quoi il faut faire attention. Il faut aussi bien écouter. On doit être attentif aux bruits inhabituels. Les discussions avec les bateliers sont agréables et intéressantes, elles aussi. Ils doivent nous contacter quand ils approchent d’un ouvrage d’art et déclarer ce qu’ils transportent et leur destination. S’il s’agit d’un navire avec une cargaison dangereuse, il est prioritaire. Après un certain temps, on finit par connaître les habitués. » Cliff guide à la fois le trafic de marchandises et les bateaux de plaisance à travers le port.

La navigation ne s’arrête jamais. C’est un service 24/7. L’horaire de travail des éclusiers et pontiers est établi en fonction de cette réalité. « Et cela exige de la flexibilité. Notre service compte 22 employés et il faut une présence à tous les ouvrages d’art. En cas d’absence inopinée, le/la remplaçant(e) doit être sur place dans l’heure. »

Ce qui a évidemment des répercussions sur la vie sociale. « Au total, nous ne faisons pas plus d’heures que la plupart des gens, mais elles tombent parfois à un autre moment. »

Ces horaires décalés n’empêchent pas de pratiquer des hobbys. « Je n’ai pas vraiment de loisirs, à part faire de la musique et jouer de la guitare », déclare Cliff.

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« Non, je n’ai aucune crainte concernant ma sécurité.  »

Secours

Les services de nuit ne comportent-ils pas des risques en termes de sécurité ? « Oh, nous connaissons le quartier et les gens nous connaissent. De plus, nous travaillons sur un terrain clôturé. Non, je n’ai aucune crainte concernant ma sécurité. » 

Parfois, il se passe des choses inattendues. « Par exemple, une nuit, une personne a voulu sauter du pont. Heureusement, j’ai pu la calmer jusqu’à l’arrivée des secours. »

Le trafic qui passe sur le pont semble causer plus de problèmes. « Avec l’expérience, on s’y habitue.. Lorsque nous mettons le feu au rouge pour le trafic routier parce que le pont doit être relevé, il arrive encore que des automobilistes et des motocyclistes veuillent vite traverser. Nous en tenons compte, mais nous devons tout de même vérifier que personne ne passe sous les barrières. »

« C’est un travail qu’on peut faire jusqu’à la pension, déclare M. Pizarro, mais si une opportunité de promotion se présentait au port, je pense que je serais ouvert à cette possibilité. »

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